Présences furtives

Il y a des êtres qu’on ne regarde jamais en face. On les surprend. On les devine à l’angle d’un cou, à la cambrure d’un dos, à un regard trop vite rendu. Ici, rien ne s’impose, tout se donne en demi-teinte. Une joue offerte puis effacée, un silence posé sur une épaule, une présence qui n’appartient déjà plus tout à fait à ce monde.

Je dessine comme on retient l’ombre d’un souvenir. D’un geste simple, presque désinvolte, je cherche la trace avant qu’elle ne s’efface, le frisson plutôt que la forme. Et parfois, la couleur vient comme un souffle chaud — une montée de rouge, un violet intérieur, un bleu qui insiste. Elle ne remplit pas, elle touche. Elle trouble la ligne, la rature, la ravive.

Mes figures n’ont pas besoin d’être complètes. Elles respirent dans le manque, dans la réserve. Elles savent que ce qu’on ne montre pas, le corps le dira autrement.